samedi 28 décembre 2013

La politique, le pouvoir…

Le conseil qui dirige au niveau mondial le monde bahá'í a écrit au début de l'an 2013 une lettre aux bahá'ís d'Iran dans laquelle est expliquée la position bahá'íe sur la politique, la notion de pouvoir et le travail qu'accomplissent dans le monde entier les communautés bahá'íes. 


La Maison universelle de justice
Haïfa le 2 mars 2013
(traduction Pierre Spierckel)


Aux bahá’ís d’Iran.
Amis chèrement aimés
Depuis maintenant plus de trente ans, vague après vague, une persécution d’intensité variable s’abat sur votre communauté si éprouvée mais si vaillante. Cette campagne de persécution n’est que la dernière en date d’une série commencée il y a cent soixante ans. Pourtant, contrairement aux attentes de ceux qui s’acharnent à saper la force de la communauté des disciples de Bahá’u’llah dans son pays natal, leurs machinations n’ont finalement servi qu’à renforcer ses fondations et à fortifier ses rangs. Non seulement de plus en plus de vos compatriotes, eux-mêmes victimes d’oppression, découvrent la longue série d’injustices perpétrées contre des bahá’ís depuis des années, mais ils reconnaissent que votre attitude constante et désintéressée au service de la société est une force de changement constructif. La sympathie à votre égard s’accroît comme s’accroissent les voix qui appellent à la suppression des obstacles qui vous empêchent de participer à la vie de la société dans toutes ses dimensions. Il n’est donc pas surprenant que les questions concernant l’attitude des bahá’ís envers les activités politiques prennent une grande importance aux yeux de vos concitoyens.

À cet égard, la position dans laquelle s’est historiquement trouvée la communauté bahá’íe est très inhabituelle. D’une part, elle a été accusée à tort d’avoir des motivations politiques, d’être en lutte contre le régime en place, d’être un agent de n’importe quelle puissance étrangère qui convenait à l’accusateur ; d’autre part, le refus sans compromis des membres de la communauté de participer aux activités politiques partisanes a été décrit comme un manque d’intérêt pour les affaires du peuple iranien. Maintenant que les intentions véritables de vos oppresseurs sont claires aux yeux de tous, il vous revient de répondre au désir croissant qu’ont vos compatriotes de comprendre la position bahá’íe envers la politique pour éviter que des idées fausses affaiblissent les liens d’amitié que vous tissez avec tant de gens. Ils méritent, sur cette question, un peu plus que quelques citations, aussi importantes soient-elles, évoquant des notions d’amour et d’unité. Pour vous aider à leur faire comprendre sur quoi se base l’approche bahá’íe de ce sujet nous vous proposons les commentaires qui suivent.

On ne peut séparer le point de vue bahá’í sur la politique de la conception bahá’íe particulière de l’histoire, de son développement et de sa course. C’est la conviction profonde de tout disciple de Bahá’u’lláh que l’humanité est proche du couronnement d’un processus commencé il y a des milliers d’années, qui l’a mené collectivement de son enfance au seuil de sa maturité et qui verra l’unification du genre humain. De même qu’un individu traverse la période perturbée, mais prometteuse, de l’adolescence, au cours de laquelle des prédispositions et des capacités jusque-là latentes se manifestent, de même l’humanité dans son ensemble est au cœur d’une transition sans précédent. Les turbulences et les commotions de la vie contemporaine cachent les soubresauts d’une humanité luttant pour arriver à l’âge adulte. Les pratiques et les conventions séculaires, les coutumes et les habitudes les plus chères deviennent, l’une après l’autre, obsolètes à mesure que les impératifs de la maturité s’affirment.

Dans les changements révolutionnaires qui affectent chaque sphère de la vie, les bahá’ís sont encouragés à voir l’interaction de deux processus fondamentaux. L’un, destructif par nature et l’autre intégratif, tous les deux participant, chacun à a manière, à l’avancée de l’humanité sur la voie qui mène à sa pleine maturité. Les œuvres du premier sont partout apparentes : dans les vicissitudes qui affectent des institutions séculaires, dans l’impuissance des dirigeants, à tous les niveaux, à soigner les fractures qui apparaissent dans la structure de la société, dans le démantèlement de normes sociales qui pendant longtemps refrénèrent des passions inconvenantes et dans l’abattement et l’indifférence que manifestent non seulement des individus mais aussi des sociétés entières ayant perdu tout sentiment vital d’avoir un but. Malgré leurs effets dévastateurs, ces forces de désintégration tendent à balayer les barrières qui freinent le progrès de l’humanité en permettant au processus d’intégration de rassembler divers groupes et en dévoilant de nouvelles opportunités de coopération et de collaboration. À l’évidence, les bahá’ís s’efforcent de s’aligner, individuellement et collectivement, sur les forces associées au processus d’intégration, confiants que ce dernier continuera à se renforcer, aussi sombres que soit le proche horizon. Les affaires humaines seront complètement réorganisées et une ère de paix universelle sera inaugurée.

Telle est la vision de l’histoire qui sous-tend les efforts entrepris par la communauté bahá’íe.

Comme l’étude des textes bahá’ís vous l’apprend, le principe qui devra imprégner toutes les facettes de la vie organisée sur cette planète est l’unité de l’humanité, signe distinctif de sa maturité. Que tous les êtres humains ne forment qu’un seul peuple est une vérité qui, vue autrefois avec scepticisme, est de plus en plus acceptée aujourd’hui. Le rejet de préjugés profondément enracinés et le sentiment croissant d’être des citoyens du monde sont des signes de cette conscience accrue. Pourtant, aussi prometteur que soit le progrès de cette conscience collective, elle ne devrait être considérée que comme la première étape d’un processus qui mettra des décennies, sinon des siècles, à se développer. Car le principe de l’unité de l’humanité tel que l’a proclamé Bahá’u’lláh n’appelle pas seulement à une coopération entre les peuples et les nations, il exige de reconceptualiser complètement les relations qui structurent la société. La crise environnementale qui s’aggrave, poussée par un système qui encourage le pillage des ressources naturelles pour satisfaire la soif insatiable du toujours plus, illustre à quel point la conception présente de la relation des hommes avec la nature est profondément inadaptée. La dégradation de l’environnement familial, accompagnée de l’aggravation de l’exploitation systématique et mondiale des femmes et des enfants, illustre clairement à quel point des notions absurdes, qui définissent les relations familiales, sont répandues. La persistance du despotisme d’une part et, d’autre part, le rejet croissant de l’autorité, révèle, aux yeux d’une humanité mature, l’état déplorable des relations actuelles entre un individu et les institutions de la société. La concentration de la richesse mondiale entre les mains d’une minorité dénote la mauvaise conception fondamentale des relations qui existent entre les nombreux secteurs de ce qui est aujourd’hui une communauté mondiale émergente. Ainsi, le principe de l’unité de l’humanité implique une transformation organique de la structure même de la société.

Soyons clairs : les bahá’ís ne croient pas que la transformation ainsi envisagée se fera que par leurs seuls efforts. Ils n’essaient pas non plus de créer un mouvement qui chercherait à imposer à la société leur vision du futur. Chaque nation et chaque groupe, chaque individu en fait, contribueront plus ou moins activement, à l’émergence de la civilisation mondiale vers laquelle l’humanité se dirige irrésistiblement. Comme l’a prévu ‘Ábdu’l-Bahá, l’unité se réalisera progressivement dans les différents domaines de l’existence : unité dans le domaine politique, unité dans les entreprises mondiales, unité des races et unité des nations, par exemple. Au fur et à mesure que ces domaines seront unifiés, les structures d’un monde uni politiquement, qui respectera toute la diversité des cultures et offrira des voies pour l’expression de la dignité et de l’honneur des gens, prendront graduellement forme.

Alors que ses ressources humaines augmentent, ce qui préoccupe maintenant la communauté bahá’íe à travers le monde, c’est de savoir comment elle peut contribuer du mieux possible à ce développement progressif de la civilisation. Deux composantes à sa contribution s’offrent à elle, la première en rapport avec sa croissance et son développement propres et la seconde en rapport avec son implication dans la société au sens large.

Dans la première, les bahá’ís s’efforcent d’établir dans le monde entier, aux postes les plus modestes, un ensemble d’activités (ainsi que les structures administratives correspondantes) qui incarne le principe de l’unité de l’humanité ainsi que les convictions qui l’étayent, dont quelques-unes seront mentionnées ici à titre d’exemples : L’âme rationnelle n’a ni genre, ni race, elle ne connaît ni ethnie, ni classe, ce qui rend intolérable tout préjugé, le moindre n’étant pas celui qui empêche les femmes de réaliser leur potentiel et de s’engager, au coude à coude avec les hommes, dans différents domaines d’activité. L’origine des préjugés est l’ignorance qui peut être éliminée par des programmes éducatifs qui mettront la connaissance à la portée de tous en sorte qu’elle ne devienne pas la propriété de quelques privilégiés. La science et la religion sont complémentaires, deux systèmes de connaissance et de méthode par lesquels les êtres humains en viennent à comprendre le monde qui les entoure et par lesquels la civilisation progresse ; la religion sans la science dégénère rapidement en superstition et fanatisme tandis que la science sans la religion devient l’instrument d’un matérialisme grossier. La vraie prospérité, qui serait le fruit d’une cohérence dynamique entre les exigences matérielles et spirituelles de la vie, nous restera inaccessible aussi longtemps que l’esprit de consommation continuera à agir comme l’opium de l’âme humaine. La justice, cette faculté de l’âme, permet à l’individu de distinguer entre la vérité et l’erreur et le guide dans cette étude de la réalité si essentielle si l’on veut que les superstitions et les traditions dépassées, obstacles à l’unité, soient éradiquées. La justice, utilisée de manière pertinente dans les questions sociales, est le meilleur instrument pour établir l’unité. Le travail accomplit dans l’esprit de servir ses semblables est une forme de prière, un moyen d’adorer Dieu… Il est certain que traduire de tels idéaux dans la réalité, transformer l’individu et poser les bases de structures sociales qui soient adaptées n’est pas une mince tâche. Pourtant, la communauté bahá’íe se consacre au processus d’apprentissage à long terme que cette tâche implique, une entreprise à laquelle un nombre croissant de personnes de tous milieux, appartenant à tous les groupes humains, est invité à prendre part.

Nombreuses, assurément, sont les questions auxquelles ce processus d’apprentissage, en cours dans toutes les régions du globe, doit répondre : Comment réunir des gens d’origines différentes dans un environnement qui, exempt de la menace constante des conflits et caractérisé par sa nature spirituelle, les encourage à rejeter les mentalités partisanes, sources de discorde, favorise des degrés supérieurs d’unité de pensée et d’action et suscite une participation sans réserve ? Comment administrer les affaires d’une communauté sans classe dirigeante à fonction sacerdotale prétendant à des distinctions ou à des privilèges ? Comment permettre à des groupes entiers d’hommes et de femmes de se libérer des entraves de la passivité et des chaînes de l’oppression pour s’engager dans des activités qui conduiront à leur épanouissement spirituel, social et intellectuel ? Comment aider les jeunes à s’orienter, à cette étape cruciale de leur vie, et les rendre capables de diriger leur énergie vers le progrès de la civilisation ? Comment créer, dans l’unité familiale, une dynamique qui conduira à sa prospérité matérielle et spirituelle sans insuffler dans les générations montantes le sentiment d’être supérieurs à un autre imaginaire, ni alimenter la tendance à exploiter ceux qu’on aurait relégués dans cette catégorie ? Comment faire en sorte qu’une prise de décision bénéficie d’une diversité de points de vue grâce à un processus consultatif qui, entendu comme étant une recherche collective de la réalité, encourage le détachement des opinions personnelles, accorde de l’importance aux informations empiriques concernées par la question à l’étude, ne place pas une simple opinion au même niveau qu’un fait et ne définit pas la vérité comme un compromis entre des groupes d’intérêts opposés ?… Pour examiner ces questions et toutes les autres qui ne manqueront pas de surgir, la communauté bahá’íe a adopté un mode opératif caractérisé par l’action, la réflexion, la consultation en commun et l’étude, une étude qui implique non seulement une référence constante aux Écrits bahá’ís mais aussi une analyse scientifique des tendances à mesure qu’elles apparaissent. Effectivement, comment maintenir un tel mode d’apprentissage dans l’action, comment s’assurer qu’un nombre croissant participe à la création et à l’application des connaissances utiles et comment concevoir des structures pour systématiser cette expérience mondiale croissante et diffuser équitablement les enseignements appris, de tels problèmes sont eux-mêmes régulièrement l’objet de réflexion.

L’orientation générale que prend le processus d’apprentissage que la communauté bahá’íe poursuit est définie par une série de plans mondiaux dont les termes sont établis par la Maison universelle de justice. Le mot d’ordre général de ces plans étant le développement des capacités, ils visent à permettre aux protagonistes de ces efforts collectifs de consolider la fondation spirituelle des villages et des quartiers, de répondre à certains de leurs besoins sociaux et économiques et de prendre part aux interrogations qui animent la société tout en maintenant la cohérence nécessaire dans les méthodes et les approches.

La question de la nature des relations qui lient l’individu, la communauté et les institutions de la société – tous acteurs sur la scène de l’histoire qui ont été de tout temps victimes de la lutte pour le pouvoir – est au cœur de ce processus d’apprentissage. Dans ce contexte, le présupposé que leurs relations se conformeront inévitablement aux diktats de la compétition (notion qui ignore le potentiel extraordinaire de l’esprit humain) est rejeté en faveur de la prémisse plus admissible que leurs interactions harmonieuses favoriseront une civilisation en accord avec une humanité mature. Ce qui inspire les efforts bahá’ís pour découvrir la nature des relations nouvelles entre ces trois protagonistes c’est la vision d’une société future qui tire son inspiration de l’analogie exposée par Bahá’u’lláh dans une Tablette révélée il y a cent cinquante ans dans laquelle il compare le monde au corps humain. Le principe qui permet le fonctionnement de ce système c’est la coopération. De même que l’apparence de l’âme rationnelle dans ce monde de l’existence est rendue possible grâce à la complexe association d’innombrables cellules, dont l’organisation en tissus et en organes divers permet la réalisation de fonctions distinctes, la civilisation peut être vue comme le résultat d’un ensemble d’interactions entre composants variés et étroitement intégrés qui transcendent l’objectif limité de se préoccuper de leur seule existence. De même que la viabilité de chaque cellule et de chaque organe dépend de la santé du corps dans son ensemble, de même la prospérité de chaque individu, de chaque famille, de chaque peuple devrait se trouver dans le bien-être de tout le genre humain. Conformément à cette vision, les institutions, conscientes de la nécessité d’une action coordonnée orientée vers des objectifs fructueux, n’ont pas pour but de contrôler mais de soutenir et de guider l’individu qui, en retour, accepte volontiers leurs directives, non par obéissance aveugle, mais avec une foi fondée sur une connaissance consciente. La communauté, quant à elle, relève le défi de maintenir en place un environnement dans lequel l’individu, qui veut exercer sa libre expression avec responsabilité en accord avec le bien commun et les plans des institutions, multiplie ses capacités dans le cadre d’une action unifiée.

Pour que le réseau de relations auquel nous faisons allusion ci-dessus prenne forme et donne naissance à un style de vie caractérisé par son adhésion au principe de l’unité de l’humanité, il faut analyser soigneusement certains concepts fondamentaux, le plus important étant le concept de pouvoir. Il est évident qu’il faille abandonner le concept de pouvoir en tant qu’instrument de domination et ses notions concomitantes de compétition, de lutte, de division et de sentiment de supériorité. Il ne s’agit pas de récuser l’usage du pouvoir car, après tout, même dans les situations où les institutions de la société reçoivent leur mandat du peuple, le pouvoir participe à l’exercice de l’autorité. Mais les activités politiques, comme toutes les activités vitales, devraient être influencées par les pouvoirs de l’esprit humain que la foi bahá’íe – et en l’occurrence, toutes les grandes traditions religieuses apparues au cours des âges – souhaite solliciter : le pouvoir de l’unité, le pouvoir de l’amour, le pouvoir de l’humilité dans le service, le pouvoir du détachement dans l’action. Au mot pouvoir compris dans ce sens on rattache des verbes comme libère, encourage, canalise, guide et permet. Le pouvoir n’est pas une entité finie qui doit être saisie et jalousement gardée. C’est un moyen illimité de transformation que possède le genre humain dans son ensemble.

La communauté bahá’íe admet volontiers qu’elle a encore un long chemin à parcourir avant que son expérience, en s’approfondissant, produise un aperçu du fonctionnement de l’ensemble des interactions souhaitées. Elle ne prétend pas à la perfection. Défendre de grands idéaux et en être l’incarnation sont deux choses différentes. D’innombrables défis nous attendent et il nous reste beaucoup à apprendre. Un observateur superficiel pourrait très bien qualifier les efforts de notre communauté à surmonter ces défis d’idéalistes. Néanmoins il serait injustifié de décrire les bahá’ís comme indifférents aux affaires de leur nation et encore plus comme de mauvais patriotes. Aussi idéalistes que les efforts bahá’ís puissent sembler à certains, on ne peut ignorer leur préoccupation profonde pour le bien de l’humanité. Et dans la mesure où, dans le monde, aucune organisation sociale ne semble capable de sortir l’humanité du bourbier des conflits et des luttes et de garantir son bonheur, pourquoi un gouvernement s’opposerait-il aux efforts de gens qui cherchent à approfondir leur compréhension de la nature de ces relations essentielles inhérentes au futur commun vers lequel le genre humain est inexorablement entraîné ? Quel mal y a-t-il à cela ?

C’est dans le cadre tracé par les idées ci-dessus qu’il est maintenant possible d’envisager la seconde dimension des efforts de la communauté bahá’íe pour contribuer au progrès de la civilisation : son implication dans la société. Il est évident que ce que les bahá’´is considèrent comme un aspect de leur contribution ne peut contredire l’autre. Ils ne peuvent chercher à établir des schémas de pensées et d’actions qui expriment l’unité à l’intérieur de leur communauté tout en s’engageant, dans un autre contexte, dans des activités qui d’une manière ou d’une autre renforcerait une vision complètement différente de la vie sociale. C’est pour éviter cette dichotomie que, sur la base des enseignements de la Foi, la communauté bahá’íe a progressivement affiné le caractère de sa participation à la vie de la société. Avant tout, en tant qu’individu comme en tant que communauté, les bahá’ís s’efforcent de mettre en pratique les enseignements de Bahá’u’lláh : Ceux qui sont sincères et loyaux devraient s’associer dans la joie et l’allégresse à tous les peuples du monde puisque cette fréquentation contribue toujours à l’unité et à l’harmonie, qui à leur tour mènent au maintien de l’ordre dans le monde et à la renaissance des nations. Abdu’l-Bahá explique : C’est par association et rencontres qu’on connaît le bonheur et le développement individuel et collectif, Dans le même esprit, il a écrit : Tout ce qui résulte en association, attirance et unité parmi les enfants des hommes donne vie au monde des hommes et tout ce qui cause la division, la répulsion et l’éloignement conduit à la mort de l’humanité. Même en ce qui concerne la religion, il est clairement dit qu’elle doit être cause d’amour et d’amitié. Si la religion devient cause de conflit et d’inimitié son absence est préférable. C’est pourquoi les bahá’ís font leur possible pour toujours appliquer le conseil de Bahá’u’lláh : Fermez vos yeux à ce qui éloigne et concentrez-vous sur l’unité. Il affirme à ses disciples : Un vrai homme est celui qui, aujourd’hui, se consacre au service de tout le genre humain. Il conseille : Soyez expressément concernés par les besoins de l’âge dans lequel vous vivez, et Concentrez vos délibérations sur ses exigences et ses besoins. ‘Abdu’l-Bahá rajoute : L’humanité à besoin à un degré suprême de coopération et de réciprocité. Ailleurs il dit : Plus forts sont les liens de camaraderie et de solidarité entre les hommes et plus grand sera la capacité de construire et d’accomplir dans tous les domaines de l’activité humaine. Enfin Bahá’u’lláh affirme : Si puissante est la lumière de l’unité qu’elle peut illuminer la terre entière.

C’est avec de telles idées en tête que les bahá’´is collaborent, selon leurs moyens, avec un nombre croissant de mouvements, d’organisations, de groupes et d’individus, créant des partenariats qui s’efforcent de transformer la société, de favoriser la cause de l’unité, de promouvoir le bien-être humain et de contribuer à une solidarité mondiale. Les critères établis par les passages ci-dessus inspirent la communauté bahá’íe à s’engager activement dans le plus possible d’aspects de la vie contemporaine. En choisissant les domaines de collaboration où ils veulent s’impliquer les bahá’ís gardent à l’esprit le principe, enchâssé dans leurs enseignements, que les moyens doivent être en accord avec la fin ; de nobles buts ne peuvent être atteints par des moyens indignes. Plus précisément, on ne peut construire une unité durable par des actes qui impliquent des conflits ou en étant convaincu qu’un conflit d’intérêts, aussi subtil soit-il est sous-jacent à toute interaction humaine. Il faut d’ailleurs remarquer qu’en dépit des limitations que l’adhérence à ce principe impose, la communauté bahá’íe n’a pas manqué de projets de collaboration, si nombreux dans le monde aujourd’hui sont les gens qui travaillent activement vers des buts que partagent les bahá’ís. Ce faisant, ils prennent soin de ne pas dépasser certaines limites dans leurs rapports avec leurs associés et collègues ; ils ne doivent jamais envisager une entreprise commune comme une occasion d’imposer leurs convictions religieuses. L’hypocrisie, comme tant d’autres manifestations regrettables de zèle religieux, doit être absolument évitée. Cela dit, les bahá’ís proposent volontiers à leurs collaborateurs les leçons qu’ils ont apprises par leurs expériences propres, comme ils sont heureux d’incorporer dans leurs efforts de construction communautaire les idées découvertes au cours de leurs collaborations.

Ce qui nous amène enfin à la question précise de l’activité politique. Les éléments essentiels du cadre de pensée qui conditionne l’approche bahá’í de la politique sont notamment :
– La conviction de la communauté bahá’íe que l’humanité, ayant franchi les étapes antérieures de l’évolution sociale, se tient au seuil de sa maturité collective.
– Sa certitude que le principe de l’unité de l’humanité, signe distinctif de l’âge de maturité, implique un changement dans la structure même de la société.
– Son approfondissement d’un processus d’apprentissage qui, animé par ce principe, explore le fonctionnement d’un ensemble de nouvelles relations entre individus, communauté et institutions de cette communauté qui sont les trois protagonistes du progrès de la civilisation.
– Sa confiance qu’une conception revue du pouvoir, dégagée de la notion de domination et de ses idées de compétition, de conflits, de division et de supériorité, est à la base des relations souhaitées.
– Sa fidélité à la vision d’un monde qui, enrichi par la diversité culturelle de l’humanité, n’accepte aucune frontière.

Les bahá’ís ne cherchent pas le pouvoir politique. S’ils n’acceptent aucun poste politique dans leur gouvernement respectif, quel que soit le système politique en place, ils acceptent des fonctions purement administratives. Ils ne s’affilient à aucun parti politique, ne s’impliquent dans aucune question partisane, ne participent à aucun programme lié aux projets d’un groupe ou d’une faction qui sème la discorde. En même temps, les bahá’ís respectent ceux qui, dans un désir sincère de servir leur pays, choisissent de poursuivre une vocation politique ou s’engagent dans des activités politiques. Cette position de non-ingérence dans de telles activités adoptées par la communauté bahá’íe ne constitue pas l’affirmation d’une objection fondamentale à la politique au sens vrai du terme ; de fait, c’est par le moyen de ses affaires politiques que l’humanité s’organise. Les bahá’ís votent dans les élections tant qu’ils ne sont pas obligés de s’identifier avec un parti pour le faire. Pour eux, le gouvernement est un système qui doit garantir le bien-être et le progrès ordonné de la société et ils s’engagent, tous sans exception, à observer les lois du pays dans lequel ils résident, sans permettre pourtant que leurs croyances religieuses profondes soient bafouées. Les bahá’ís ne seront complices d’aucune tentative de coup d’état et n’interféreront jamais dans les relations politiques entre les gouvernements de différentes nations. Cela ne signifie pas qu’ils sont naïfs à propos des processus politiques à l’œuvre dans le monde aujourd’hui et qu’ils ne font pas la différence entre lois justes et lois tyranniques. Les dirigeants du monde ont des obligations sacrées envers leur peuple qui doit être considéré comme le trésor le plus précieux d’une nation. Où qu’ils résident les bahá’ís s’efforcent de soutenir les normes de la justice, essayant de résoudre les injustices dont ils souffrent, eux-mêmes ou d’autres, mais par les seuls moyens légaux dont ils disposent, rejetant toute protestation violente. Enfin, l’amour qu’ils portent à l’humanité ne s’oppose pas au sens du devoir envers leurs pays respectifs qu’ils servent avec constance.

Dans un monde où les nations et les peuples sont dressés les uns contre les autres, où les gens sont divisés et séparés par des structures sociales, cette approche, cette stratégie si l’on préfère, basée sur la simple liste de paramètres présentés précédemment, permet à la communauté bahá’íe de garder sa cohésion et son intégrité d’entité mondiale et de s’assurer que les activités des bahá’´is dans un pays ne mettent pas en péril l’existence de bahá’ís dans un autre. À l’abri des intérêts contradictoires des nations et des partis politiques, la communauté bahá’íe est ainsi en mesure de développer sa capacité à contribuer aux processus qui favorisent la paix et l’unité.

Chers amis, nous sommes bien conscients que fouler ce sentier, comme vous le faites si efficacement depuis des décennies, n’est pas sans défis. Cela demande une intégrité intraitable, une rectitude de conduite inébranlable, une clarté d’esprit pénétrante et un amour inflexible de son pays. Maintenant que vos concitoyens comprennent la gravité de votre situation et que de nouvelles occasions de participer davantage à la vie de la société s’offriront sans aucun doute à vous, nous prions pour qu’avec l’assistance divine vous expliquiez à vos amis et à vos compatriotes le cadre de pensée clairement décrit dans ces lignes afin qu’en collaborant avec eux vous trouviez des occasions toujours plus nombreuses d’œuvrer pour le bien de votre peuple sans compromettre, d’aucune façon, votre identité en tant que disciples de Celui qui, il y a plus d’un siècle, a appelé l’humanité à un nouvel ordre mondial.

signé : la Maison universelle de justice
























dimanche 1 septembre 2013

… votre liberté par rapport au monde…

En conséquence, je dis que l’Homme doit avancer dans la voie de Dieu. Jour après jour, il doit s’appliquer à devenir meilleur, sa croyance doit s’accroître et s’affirmer, ses qualités doivent s’enrichir et il doit plus souvent se tourner vers Dieu, le feu de son amour doit brûler de plus en plus chaud. Alors, jour après jour il fera des progrès, car cesser d’avancer c’est reculer. L’oiseau, lorsqu’il vole monte de plus en plus haut car dès qu’il cesse de voler il descend. Chaque matin au lever, vous devriez comparer le jour qui commence avec la veille et voir dans quelle condition vous êtes. Si vous voyez que votre foi est plus forte, que votre cœur est plus absorbé par Dieu, que votre amour s’intensifie et que votre liberté par rapport au monde est plus grande, alors remerciez Dieu et demandez-lui d’augmenter ces qualités. Vous devez commencer à prier et à vous repentir pour tout ce que vous avez fait de mal et vous devez implorer et demander aide et assistance pour que vous deveniez meilleur qu’hier pour continuer à progresser. 


‘Abdu’l-Bahá, dans Star of the West 8, no 6 (24 June 1917), p 68. I.

jeudi 18 avril 2013

noms des mois bahá'ís

Troublé par certains noms des dix-neuf mois bahá'is, j'en ai enfin trouvé l'origine dans le texte ci-dessous du Docteur Moojan Momen :


Origine du nom des mois dans le calendrier bahá’í

     On entend couramment dire que les 19 mois bahá’ís portent des noms d’attributs de Dieu, mais quand dans la liste on découvre des noms comme Questions, on s’interroge. Comment ce mot peut-il être un attribut de Dieu ?
       La réponse se trouve dans l’origine réelle des noms des mois bahá´is. Le docteur Moojan Momen(1) explique :

Muhammad al-Báqir(2), le cinquième Imam des chiites qui vivait au 8e siècle, révéla une prière de l’aube (Du’á Sahar) que ses fidèles devaient réciter pendant le mois du Ramadan parce que, disait-il :

Si les gens connaissaient la grandeur (‘azamat) de cette supplication aux yeux de Dieu, et la rapidité avec laquelle elle permettrait aux dévôts de recevoir des réponses à leurs demandes, ils se battraient entre eux jusqu’à la mort pour l’obtenir. Et si je faisais le serment que l’ism Alláh al-a‘zam (le Plus-Grand-Nom de Dieu), est contenu dans cette prière, je dirais la vérité. Ainsi, quand vous récitez cette supplication, faites-le avec une grande concentration et une grande humilité et gardez-la cachée de ceux qui ne sont pas son peuple (les non-chiites).(3)

Comme vous le savez, le premier mois bahá’í est Bahá. La prière de Muhammad al-Báqir commence ainsi  :
Je te supplie par ta Bahá (Splendeur) dans son état le plus splendide (abhá)
Car toute ta splendeur (bahá) est vraiment resplendissante (bahiyy).
Ô mon Dieu, certes
je te supplie par la plénitude de ta splendeur (bahá). (3)

En parcourant les vingt-deux strophes de cette prière on découvre que le nom des mois du calendrier badí (le calendrier bahá’í) y apparaissent dans le même ordre (à l’exception des douzième et treizième mois, ‘Ilm et Qudrat qui sont inversés, mais cela dépend peut-être des manuscrits). Dans la quinzième strophe, on peut lire :
Ô mon Dieu ! Je te supplie par tes Masá’il (Questions)
qui, de toi, nous sont très agréables (ahabb),
car tous tes intérêts (masá’il) sont vraiment aimés (habíb).
Certes je te supplie, ô mon Dieu, par toutes tes affaires (masá’il). (3)

On voit dans cette traduction que le mot masá’il peut être traduit de différentes façons : questions, préoccupations, affaires, mais aussi problèmes, propositions, préceptes. Néanmoins, aucun de ces mots n’est un nom de Dieu. 

Le Báb n’a pas créé le calendrier badí en réfléchissant à une liste d’attributs divins. Il a choisi le nom des mois dans un texte religieux qui existait déjà et qu’il a suivi fidèlement. On peut y voir une façon d’honorer un texte dont le cinquième Imam avait affirmé qu’il contenait le Plus-Grand-Nom de Dieu. Une manière détournée aussi pour le Báb de désigner Bahá’u’lláh, comme il l’a fait dans de nombreux autres écrits. 

Plus tard, les bahá’ís montreront cette prière aux chiites en disant que si l’Imám Báqir a raison et que le Plus-Grand Nom est contenu dans cette prière il est normal qu’il ait la préséance sur les autres et soit mentionné en premier. Donc, le Plus-grand Nom est Bahá. 

Le Báb n’avait besoin que de 19 noms puisqu’il voulait créer un calendrier de 19 mois. Le fait qu’il ait négligé la fin de ce texte est peut-être une autre preuve que son intention première était de mettre en valeur le nom Bahá. En effet, dans le Bayán persan, le Báb dit que le premier mois de chaque année – le mois de Bahá – est consacré à Celui-que-Dieu-manifestera (Bayán, vahid 5, chap. 3). (4)

Ainsi, l’idée que les noms bahá’ís portent les noms d’attributs de Dieu vient des bahá’ís et c’est pourquoi le choix de Questions paraît étrange. Mais le Báb a sans doute voulu dire autre chose en choisissant le nom des mois bahá’ís. (5)
Traduction Pierre Spierckel


(2) al-Báqir se prononce : al-bâkère ; Du’a Sahar : Doa Sahar ; ism Alláh al-a‘z∂am : esmallâh alazam ; bahiyy : bahéï ; ‘Ilm : elm ; Qudrat : Rodrate ; Masá’il : masâ el ; Bayán : bayâne ; al-Mas’úl : al massoule.
(3) (traduction P. S. d’après l’anglais de Stephen N. Lambden). http://www.hurqalya.pwp.blueyonder.co.uk/03-Biblical-islam-BBst/dawnP.htm.)
(4) Cette prière de l’aube chiite comporte 22 strophes. Les trois dernières s’appuient sur le mot Mann (bienveillant), sur Ayat (strophes, signes) et, pour la dernière, à la fois sur Sha’n (état, condition) et Jabarut (difficile à traduire dans ce contexte, mais S. Lambden l’a traduit par omnipotence et pouvoir).
(5) À propos de Questions on connaît plusieurs tablettes de Bahá’u’lláh dans lesquelles il nomme Dieu al-Mas’úl (Celui qui est questionné). Par exemple, dans une tablette adressée à un nommé Ibrahim celui-ci est appelé au début : Ibrahim le questionneur, qui questionna son Seigneur dans le passé ; dans sa bonté Dieu lui répondit et certes il est le Questionné et le Répondeur (ou encore : Celui qui est questionné et Celui qui répond). (Ma’idih Asimani, vol. 8, p. 171). Ainsi, si l’un des attributs de Dieu est le Questionné le nom Questions peut être considéré comme un nom de Dieu. Il est clair, bien sûr, que c’est la Manifestation de Dieu qui est questionnée et qui répond. C’est vrai de tous les attributs et noms de Dieu. L’humanité ne les connaît que dans la mesure où ils sont manifestés par les Manifestations de Dieu et non tels qu’ils sont dans l’Essence de Dieu.