Troublé par certains noms des dix-neuf mois bahá'is, j'en ai enfin trouvé l'origine dans le texte ci-dessous du Docteur Moojan Momen :
Origine du nom des mois dans le calendrier bahá’í
On entend couramment dire que les 19 mois bahá’ís portent des noms d’attributs de Dieu, mais quand dans la liste on découvre des noms comme Questions, on s’interroge. Comment ce mot peut-il être un attribut de Dieu ?
La réponse se trouve dans l’origine réelle des noms des mois bahá´is. Le docteur Moojan Momen(1) explique :
Muhammad al-Báqir(2), le cinquième Imam des chiites qui vivait au 8e siècle, révéla une prière de l’aube (Du’á Sahar) que ses fidèles devaient réciter pendant le mois du Ramadan parce que, disait-il :
Si les gens connaissaient la grandeur (‘azamat) de cette supplication aux yeux de Dieu, et la rapidité avec laquelle elle permettrait aux dévôts de recevoir des réponses à leurs demandes, ils se battraient entre eux jusqu’à la mort pour l’obtenir. Et si je faisais le serment que l’ism Alláh al-a‘zam (le Plus-Grand-Nom de Dieu), est contenu dans cette prière, je dirais la vérité. Ainsi, quand vous récitez cette supplication, faites-le avec une grande concentration et une grande humilité et gardez-la cachée de ceux qui ne sont pas son peuple (les non-chiites).(3)
Comme vous le savez, le premier mois bahá’í est Bahá. La prière de Muhammad al-Báqir commence ainsi :
Je te supplie par ta Bahá (Splendeur) dans son état le plus splendide (abhá)
Car toute ta splendeur (bahá) est vraiment resplendissante (bahiyy).
Ô mon Dieu, certes
je te supplie par la plénitude de ta splendeur (bahá). (3)
En parcourant les vingt-deux strophes de cette prière on découvre que le nom des mois du calendrier badí (le calendrier bahá’í) y apparaissent dans le même ordre (à l’exception des douzième et treizième mois, ‘Ilm et Qudrat qui sont inversés, mais cela dépend peut-être des manuscrits). Dans la quinzième strophe, on peut lire :
Ô mon Dieu ! Je te supplie par tes Masá’il (Questions)
qui, de toi, nous sont très agréables (ahabb),
car tous tes intérêts (masá’il) sont vraiment aimés (habíb).
Certes je te supplie, ô mon Dieu, par toutes tes affaires (masá’il). (3)
On voit dans cette traduction que le mot masá’il peut être traduit de différentes façons : questions, préoccupations, affaires, mais aussi problèmes, propositions, préceptes. Néanmoins, aucun de ces mots n’est un nom de Dieu.
Le Báb n’a pas créé le calendrier badí en réfléchissant à une liste d’attributs divins. Il a choisi le nom des mois dans un texte religieux qui existait déjà et qu’il a suivi fidèlement. On peut y voir une façon d’honorer un texte dont le cinquième Imam avait affirmé qu’il contenait le Plus-Grand-Nom de Dieu. Une manière détournée aussi pour le Báb de désigner Bahá’u’lláh, comme il l’a fait dans de nombreux autres écrits.
Plus tard, les bahá’ís montreront cette prière aux chiites en disant que si l’Imám Báqir a raison et que le Plus-Grand Nom est contenu dans cette prière il est normal qu’il ait la préséance sur les autres et soit mentionné en premier. Donc, le Plus-grand Nom est Bahá.
Le Báb n’avait besoin que de 19 noms puisqu’il voulait créer un calendrier de 19 mois. Le fait qu’il ait négligé la fin de ce texte est peut-être une autre preuve que son intention première était de mettre en valeur le nom Bahá. En effet, dans le Bayán persan, le Báb dit que le premier mois de chaque année – le mois de Bahá – est consacré à Celui-que-Dieu-manifestera (Bayán, vahid 5, chap. 3). (4)
Ainsi, l’idée que les noms bahá’ís portent les noms d’attributs de Dieu vient des bahá’ís et c’est pourquoi le choix de Questions paraît étrange. Mais le Báb a sans doute voulu dire autre chose en choisissant le nom des mois bahá’ís. (5)
Traduction Pierre Spierckel
(2) al-Báqir se prononce : al-bâkère ; Du’a Sahar : Doa Sahar ; ism Alláh al-a‘z∂am : esmallâh alazam ; bahiyy : bahéï ; ‘Ilm : elm ; Qudrat : Rodrate ; Masá’il : masâ el ; Bayán : bayâne ; al-Mas’úl : al massoule.
(3) (traduction P. S. d’après l’anglais de Stephen N. Lambden). http://www.hurqalya.pwp.blueyonder.co.uk/03-Biblical-islam-BBst/dawnP.htm.)
(4) Cette prière de l’aube chiite comporte 22 strophes. Les trois dernières s’appuient sur le mot Mann (bienveillant), sur Ayat (strophes, signes) et, pour la dernière, à la fois sur Sha’n (état, condition) et Jabarut (difficile à traduire dans ce contexte, mais S. Lambden l’a traduit par omnipotence et pouvoir).
(5) À propos de Questions on connaît plusieurs tablettes de Bahá’u’lláh dans lesquelles il nomme Dieu al-Mas’úl (Celui qui est questionné). Par exemple, dans une tablette adressée à un nommé Ibrahim celui-ci est appelé au début : Ibrahim le questionneur, qui questionna son Seigneur dans le passé ; dans sa bonté Dieu lui répondit et certes il est le Questionné et le Répondeur (ou encore : Celui qui est questionné et Celui qui répond). (Ma’idih Asimani, vol. 8, p. 171). Ainsi, si l’un des attributs de Dieu est le Questionné le nom Questions peut être considéré comme un nom de Dieu. Il est clair, bien sûr, que c’est la Manifestation de Dieu qui est questionnée et qui répond. C’est vrai de tous les attributs et noms de Dieu. L’humanité ne les connaît que dans la mesure où ils sont manifestés par les Manifestations de Dieu et non tels qu’ils sont dans l’Essence de Dieu.