Vient de paraître aux éditions l'Harmattan, « Au-delà du monothéisme - la religion bahá'íe » du Dr Moojan Momen que j'ai eu le plaisir de traduire en français. Une lecture recommandée à tous ceux qui croient que monothéisme et fanatisme sont toujours synonymes.
La couverture :
La quatrième de couverture :
Les religions révélées monothéistes sont considérées par beaucoup comme la source de la violence religieuse dans le monde. Croire en un dieu unique c'est croire qu'il est le seul vrai. En conséquence, c'est croire que les autres sont faux.
L'auteur montre qu'une religion révélée monothéiste, la foi baha'ie, en poussant jusqu'au bout la logique de cette affirmation : Dieu est inconnaissable dans son essence, arrive à créer un champ de tolérance et d'acceptation de la diversité des pensées et des opinions trouvé rarement ailleurs.
Ainsi, l'important ne serait pas ce que l'on croit mais comment on croit.
Née en Perse en 1844, la religon bahá’íe s’est épanouie au long du vingtième siècle jusqu’à compter aujourd’hui des disciples dans tous les pays. Elle se présente comme l’accomplissement des promesses eschatologiques des révélations qui l’ont précédée. Évitant le piège du syncrétisme, elle sait réunir des croyances apparemment contradictoires par un retour au spirituel dans un cadre de pensée qu’on peut résumer ainsi : unité dans la diversité. Elle affirme l’indépendance pour chacun dans la recherche de la vérité et condamne toutes les formes de superstitions et de préjugés. Elle soutient que le but de la religion est de favoriser l’harmonie et la concorde et qu’elle ne saurait s’opposer à la science. Elle préconise le principe d’égalité des droits et des privilèges pour les deux sexes et l’instruction obligatoire. Elle recommande l’abolition des extrêmes de la pauvreté et de la richesse et voit le travail accompli dans un esprit de service comme un acte d’adoration. Elle prône l’adoption d’une langue auxiliaire internationale et prévoit les organisations nécessaires à l’établissement et à la préservation d’une paix permanente et universelle.
Le professeur Moojan Momen est l'auteur de nombreux ouvrages dont : Introduction to Shi'i Islam (Yale University Press, 1985), The Babi and the Baha'i Faiths 1844-1944 : Some Contemporary Western Accounts (George Ronald, Oxford, 1982), The Phenomena of Religion (OneWorld, Oxford, 1999) et contribue régulièrement à des revues académiques : Encyclopedia Iranica, Encyclopedia of the Modern Islamic World, International Journal of Middle Eastern Studies, Past and Present.
Bonne lecture !
jeudi 3 septembre 2009
dimanche 19 avril 2009
Si l'un de vous meurt, tant mieux : un de moins !
C'est, en résumé, l'attitude des autorités iraniennes face aux conditions déplorables que connaissent les 7 bahá'ís détenus à Chiraz, sans jugement, pour la seule raison d'être bahá'ís. Je n'ai pas le temps de traduire cet appel, mais une connaissance minimale de l'anglais vous permettra de découvrir les conditions inhumaines que le gouvernement iranien fait subir à ses citoyens innnocents.
Urgent Appeal by the Baha’is of Shiraz
April 20, 2009By the Baha’is of Shiraz
Imprisoned Baha’is in Shiraz are being kept under inhumane conditions. They are held in small cells, in solitary confinement. These cells are about 2.2 meters x 2.2 meters wide, with an open washroom at the corner, and without any sort of windows, openings or ventilation system. Their bedding consists merely of two blankets on the cement prison floor. At present, there are seven Baha’i detained in the city of Shiraz.
Among them, the situation of Haleh Houshamandi-Salehi (arrested March 18, 2009), is the gravest (see http://www.iranpresswatch.org/2009/04/serious-health/). She has a heart ailment and her physician has stated that any stress or trauma will have an extremely serious impact on her health. Under the intense psychological and physical pressures of solitary confinement and ongoing interrogations, she developed numbness on the left side of her body to the point that she could not get herself up from the floor. After 22 days in solitary confinement, authorities transferred Halah Ruhi (detained since October 2007), to Haleh’s cell. Although Haleh Houshamandi-Salehi is being given some medication in the prison, she is in urgent need of proper medical care and the attention of a heart specialist. Her family has taken her medical records to the detention centre, hoping for compassion and understanding.
However, in response to her family’s ongoing inquiries into Haleh’s condition, the judiciary investigator recently said: “What happens if one of you dies, one less the better”.
Sooren Salehi
Haleh Houshmadi-Salehi’s 8-year old son, Sooren, traumatized by the raid of his home and the detainment of his mother, often bursts into tears. The mothers of his classmates help their children with their homework, drop them off and pick them up from school, but the authorities have left Sooren without his mother. He says, “I feel like crying, but I try very hard and stop myself. I worry that my classmates will make fun of me”. He often asks when his mother will be home, but no one has any answers to comfort this broken-hearted child.
On April 4, a bail was set by the Prosecutor General of Fars province for the release of four of the prisoners arrested in the last two months. However, the judiciary investigator stated that under no condition would he accept the instructions of the Prosecutor General and allow these Baha’is to be discharged on bail (see, http://www.iranpresswatch.org/2009/04/imprisoned-bahais-barred/).
A few days ago, an arrest order was briefly shown to a Baha’i that was being questioned by Islamic authorities. The arrest order was entitled: Arrest Warrant of all Connected Individuals. This revelation is very alarming as it indicates the authorities’ intentions to use such broad reaching statements to justify numerous arrests. With such a vague and ambiguous warrant, any and all family members of the detained Baha’is can be considered “connected individuals” and any Baha’i can be considered a “connected individual” by virtue of their faith and their common beliefs. Their use of elusive terminology on warrants allows them to detain, question and arrest any individual for any period of time, at will, and without any further justification or clarification.
It is the urgent hope of the detainees’ families that the ongoing atrocities against Baha’is are stopped, and that their loved ones, detained solely because of their beliefs, are released.
lundi 16 février 2009
Parodie de procès, en Iran, pour les sept dirigeants baha'is
Par Moojan Momen
Note de l’éditeur : Iran Press Watch est heureux de partager avec ses lecteurs cet éditorial, aussi brillant que bien informé, du Dr Momen et les invite à le commenter ou à proposer leur propre texte sur ce site.
L’Iran est un pays totalitaire. Une prétention à la démocratie et des élections régulières n’ont pas grand sens quand tous les candidats à ces élections doivent être acceptables aux yeux de la direction religieuse du pays et que les lois votées par le parlement doivent être ratifiées par cette même direction. C’est cette direction religieuse, présidée par Khameini, qui contrôle le pays et elle le fait d’une manière totalitaire.
Pour être florissants, les régimes totalitaires ont besoin de créer des menaces extérieures et intérieures dans le but de persuader leur population que les mesures draconiennes prises sont nécessaires, que les libertés sont supprimées pour le bien du peuple et que la situation économique dramatique n'est pas du fait du gouvernement mais des ennemis de l’extérieur et de l’intérieur. Les gouvernements autoritaires savent que plus leurs mensonges sont énormes plus ils sont convaincants aux yeux des gens. Ils veulent pouvoir décrire la bataille dans laquelle ils sont engagés comme une bataille cosmique contre les forces du mal qui menacent d’engloutir les forces de lumière, ce qui leur permet de peindre leurs ennemis de la manière la plus noire possible. Plus leurs ennemis sont méchants plus ils apparaissent comme des héros. L’économie plonge rapidement dans une situation déplorable (l’immense richesse pétrolière du pays étant aspirée dans les comptes bancaires étrangers des dirigeants religieux) ? La corruption est endémique et l’usage des drogues atteint des niveaux épidémiques ? Les plus pauvres, que le régime avait promis d’aider, se retrouvent encore plus pauvres qu’avant ? Qu’importe ! tout cela peut être balayé si l’on trouve l’ennemi idoine qui détournera l’attention des gens des réalités de leurs propres vies et qui permettra au dictateur de leur faire croire qu’un grave danger les menace.
Depuis la Révolution iranienne de 1979, le gouvernement islamique d’Iran a tenté de décrire les baha'is comme « l’ennemi de l’intérieur ». Le gouvernement prétend que les baha'is sont une des principales forces du mal du pays. Les bahá’ís complotent avec des ennemis extérieurs comme les États-Unis et Israël pour saper le pays. Les baha'is font des choses (généralement non précisées) qui perturbent le pays. Les baha’is essaient de détruire l’islam. Plus le pays plonge dans le désastre économique et plus le gouvernement a besoin d’accentuer la gravité de la menace posée par les baha’is qui expliquerait leur échec économique.
Une parodie de procès
L’une des armes principales d’un régime autoritaire c’est le procès truqué. Staline s’en est servi dans les années trente pour consolider son pouvoir. C’est une manière de montrer que le gouvernement agit et prend des initiatives pour protéger la nation des forces du mal. Avec le juge et l’avocat général déjà contrôlés par le gouvernement, les avocats de la défense rendus impuissants par leur ignorance des accusations et des preuves à charge et à décharge, le résultat est prévisible. Le gouvernement peut alors annoncer à grand renfort de fanfares que le procès s’est déroulé selon la loi du pays et que les accusés ont été déclarés coupables de ce que le gouvernement les accusait, validant ainsi les graves menaces contre la nation annoncées par ce gouvernement.
C’est à une telle parodie de justice que nous allons bientôt assister en Iran. Les sept membres du Conseil directeur des baha’is d’Iran sont emprisonnés depuis plus de neuf mois et on vient juste d’annoncer que leur procès commencera la semaine prochaine. (voir http://www.iranpresswatch.org/2009/02/featuretrial-of-seven-bahai-leaders/). Les accusations sont : espionnage au profit d’Israël, blasphèmes et propagande contre la République islamique. Depuis qu’Ahmadinejad est au pouvoir (2005) il a obstinément poursuivi une campagne systématique anti-baha’ie, avec l’accord de Khameini évidemment puisque rien ne peut se faire sans cet accord.
Cette campagne a consisté, premièrement en une série d’articles dans la presse gouvernementale et à la télévision attaquant les baha’is par de fausses accusations et des documents falsifiés, suggérant de ridicules théories de complots et des « faits » historiques improbables, deuxièmement en un étranglement économique de la communauté baha’ie, expulsant ses membres de leur emploi, fermant leurs commerces, cherchant à les couper de toute vie éducative et culturelle de la nation (en les renvoyant des universités par exemple) et troisièmement en perturbant leur vie quotidienne par des détentions arbitraires et par l’emprisonnement des dirigeants baha’is.
Depuis des années la presse gouvernementale et les médias de l’État répètent à l’envie ces accusations d’espionnage pour Israël, de blasphèmes et de propagande anti-République islamique. Neuf mois n'étaient donc pas nécessaires pour élaborer des preuves et juger ces sept baha’is maintenant. Il est clair que la date du procès est déterminée par d’autres facteurs : des élections prochaines au cours desquelles Ahmadinejab devra défendre ses résultats économiques catastrophiques ; l’attention de la communauté mondiale distraite par la situation financière et d’autres problèmes ; le fait peut-être aussi qu’on dit que Maître Shirin Ebadi, la seule personne qui fut assez courageuse pour se proposer comme avocate pour défendre des baha’is, devrait être à l’étranger. Tous ces facteurs font que le moment paraît bien choisi pour monter un procès parodique.
Les accusations contre les baha'is
En étudiant les accusations on découvre vite qu’elles sont absurdes et portées précisément pour nourrir les préjugés et les peurs de la population iranienne. Elles font le lien entre les baha'is, l'ennemi intérieur, et Israël considéré par le régime comme l'un des deux plus grands ennemis extérieurs. Elles font des bahá'ís les ennemis des Saintes Figures de l'islam chiite alors que le deuil annuel pour la mort de l'Imam Huseïn vient juste de passer. (voir http://www.iranpresswatch.org/2009/01/recalling-imam-husayn-and-his-martyrdom/). Elles donnent des baha'is une image de fauteurs de trouble et de perturbateurs.
L'accusation d'espionner pour Israël est sans doute la plus ridicule de toutes. Les baha'is, sur ordre du gouvernement, sont exclus des postes de fonctionnaires, ils ont été renvoyés de la plupart des entreprises privées, ils n'ont accès à aucun secret militaire ou politique ; quelle information pourraient-ils bien avoir qui intéresserait Israël ? Quel danger ces sept personnes peuvent-elles faire courir à l'État iranien quand, avant d'être expulsées de leur profession par le régime elles étaient : psychologue, entrepreneurs, ingénieur agricole, enseignante, travailleur social et ophtalmologiste ? D'ailleurs, comment des gens qui sont étroitement surveillés par les services secrets iraniens depuis trente ans pourraient-ils communiquer avec Israël ?
L’accusation évoquera sans doute le fait que le Centre mondial baha’i se situe dans la région de Haïfa-Acre, en Israël. Ceci découle cependant d’une évolution historique qui remonte à quatre-vingts ans, antérieure à l’établissement de l’État d’Israël. La responsabilité en incombe justement aux deux plus grands dirigeants musulmans du monde de l’époque, le sultan ottoman et le chah de Perse qui étaient les instigateurs de l’exil du fondateur de la Foi baha’ie à Acre, située alors dans la province de Syrie, partie intégrante de l’empire ottoman, ce qui a conduit à l’établissement du Centre mondial baha’i dans cette région. Si quelqu’un doit être tenu responsable de la présence des baha’is en Israël, c’est bien le gouvernement persan de l’époque. Si le gouvernement iranien était cohérent dans ses accusations, ne devrait-il pas aussi accuser les autorités islamiques responsables du Dôme du Rocher et de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem d’être des agents israéliens, simplement en raison de la présence de ce site, le troisième lieu le plus sacré du monde musulman, dans ce pays ?
L’accusation de blasphème à l’encontre des Saintes Figures de l’Islam est également une charge ridicule. Dès le début de son histoire, la Foi baha’ie, et avant elle, la Foi babie, ont fait preuve du plus grand respect envers les Saintes Figures de l’Islam. Voila comment Baha’u’llah, fondateur de la Foi baha’ie qualifie le Prophète Muhammad :
« Que la louange et la paix soient sur lui dont la venue a fait rayonner le visage de Bathá et dont le vêtement a répandu la fragrance de ses douces saveurs sur l'humanité tout entière - lui qui est venu pour protéger les hommes de ce qui leur nuirait dans le monde d'ici-bas. Exalté, immensément exalté est son rang au-delà de la glorification de tous les êtres et sanctifié de la louange de la création tout entière. Par sa venue, le tabernacle de la stabilité et de l'ordre fut dressé à travers le monde et l'étendard de la connaissance fut hissé parmi les nations. Que les bénédictions reposent sur sa famille et sur ses compagnons, grâce à qui l'étendard de l'unité et de l'unicité de Dieu fut brandi et les bannières du triomphe céleste furent déployées. Grâce à eux, la religion de Dieu fut fermement établie parmi ses créatures et son nom fut magnifié parmi ses serviteurs. » (Tablettes de Baha’u’llah, p. 171)
En outre, Baha’u’llah se lamente des souffrances de Muhammad en ces termes :
« L'animosité dont il était l'objet crût à un tel point que tous cessèrent d'avoir des relations avec lui et ses compagnons ; car chaque fois qu'il allait visiter un disciple, sa venue était pour ce dernier une cause de persécutions. Je te citerai ici ce verset, qui, si tu en saisissais le sens, te ferait gémir tout le reste de ta vie sur ses persécutions ; il a été révélé à Muhammad au milieu des pires tristesses et des pires tourments, lorsque tout le monde était contre lui. Gabriel, […] lui dit : « L'éloignement des infidèles pour la vérité te pèse ; certes, si tu le pouvais, tu désirerais pratiquer un trou dans la terre, ou tu prendrais une échelle pour monter au ciel ! » (Qur’án 6: 35) Autrement dit, il n'y avait pas moyen pour Muhammad, à moins de se cacher sous terre ou de s'envoler au ciel, d'échapper aux tourments causés par les infidèles ! » (Baha’u’llah, Le Livre de la Certitude, p. 109-110)
Le fils de Baha’u’llah, son successeur, Abdu’l-Baha, a souvent défendu l’islam et vanté les mérites du prophète Muhammad lors de ses voyages en Europe et en Amérique du Nord. À Londres, par exemple, Abdu’l-Baha écrivit ces mots dans un journal chrétien, « The Christian Commonwealth » : « Il en était ainsi avec les nations arabes qui, incultes, furent persécutées par les gouvernements grec et persan. Quand la Lumière de Muhammad jaillit, toute l’Arabie fut inondée de lumière. Ces peuples opprimés et dégradés devinrent si éclairés et si cultivés que les autres nations s'imprégnèrent de la civilisation arabe émanant d’Arabie. Ceci est la preuve de la mission divine de Muhammad. (29 septembre 1911)
Et aujourd’hui, à travers le monde, des millions de chrétiens, juifs, hindous et bouddhistes en sont venus à reconnaître Muhammad en tant que véritable messager divin en raison de leur acceptation de la religion baha’ie. Peut-on accuser ceux qui acceptent l’autorité de tels enseignements, et qui n’ont jamais manifesté de leur vie la moindre contradiction avec ceux-ci, de blasphème contre les Saintes Figures de l’Islam ?
La troisième accusation, celle de propagande contre la République Islamique est à nouveau totalement invraisemblable concernant ces sept personnes en particulier et les baha’is en général. Le but principal de Baha’u’llah est d’apporter l’unité au monde et il a fortement encouragé ses croyants d’éviter tout conflit ou discorde et d’être loyaux au gouvernement en place. Il écrit :
« Dis : Ô peuple, ne semez point les germes de la discorde parmi les hommes et abstenez-vous de toute querelle avec votre voisin, car le Seigneur a remis le monde et ses cités aux soins des rois de la terre et il a fait d'eux des emblèmes de sa propre puissance, en vertu de la souveraineté qu'il lui a plu de leur conférer. Il a refusé de garder pour lui-même aucune part de cette domination du monde. (Baha’u’llah, Florilège d’écrits p. 139) »
Les recommandations aux baha’is sont claires. De la part de Shoghi Effendi, la troisième figure historique de la Foi baha’ie, on lit :
« L’attitude des baha’is doit être à la fois une obéissance complète au gouvernement du pays où ils résident et aucune ingérence que ce soit dans les questions ou affaires politiques. » (Lights of guidance, p. 449)
L’historique est donc limpide : Depuis que Baha’u’llah a annoncé sa mission pour la première fois dans les années 1860, à aucun moment les baha’is n’ont comploté ou fait campagne contre l’ordre public, ni conspiré pour renverser un quelconque gouvernement. Rien n’indique que ces sept accusés aient jamais dévié de ces principes.
Ainsi, les accusations qui sont dirigées contre eux ne sont que des amalgames qui constituent la rhétorique habituelle du gouvernement iranien contre les baha’is. Le gouvernement espère qu’en répétant constamment cette litanie d’accusations, elles seront admises en tant que vérités. La parodie de procès n’est qu’une arme de plus dans la panoplie des régimes totalitaires. Ils peuvent utiliser cette occasion pour répéter et réaffirmer les mensonges déjà propagés auparavant, dans l’espoir qu’ils deviendront des faits établis dans la pensée du peuple. En ayant un contrôle complet des médias ils peuvent publier à souhait n’importe quel mensonge et théorie de conspiration au sujet des baha’is qui n’ont, eux, aucun moyen pour répondre.
Il est à espérer (et des signes encourageants commencent à apparaître) que le peuple iranien saura, en temps voulu, voir à travers le barrage de mensonges et de faits travestis qui leur est constamment présenté concernant la foi baha’ie.
Note de l’éditeur : Iran Press Watch est heureux de partager avec ses lecteurs cet éditorial, aussi brillant que bien informé, du Dr Momen et les invite à le commenter ou à proposer leur propre texte sur ce site.
L’Iran est un pays totalitaire. Une prétention à la démocratie et des élections régulières n’ont pas grand sens quand tous les candidats à ces élections doivent être acceptables aux yeux de la direction religieuse du pays et que les lois votées par le parlement doivent être ratifiées par cette même direction. C’est cette direction religieuse, présidée par Khameini, qui contrôle le pays et elle le fait d’une manière totalitaire.
Pour être florissants, les régimes totalitaires ont besoin de créer des menaces extérieures et intérieures dans le but de persuader leur population que les mesures draconiennes prises sont nécessaires, que les libertés sont supprimées pour le bien du peuple et que la situation économique dramatique n'est pas du fait du gouvernement mais des ennemis de l’extérieur et de l’intérieur. Les gouvernements autoritaires savent que plus leurs mensonges sont énormes plus ils sont convaincants aux yeux des gens. Ils veulent pouvoir décrire la bataille dans laquelle ils sont engagés comme une bataille cosmique contre les forces du mal qui menacent d’engloutir les forces de lumière, ce qui leur permet de peindre leurs ennemis de la manière la plus noire possible. Plus leurs ennemis sont méchants plus ils apparaissent comme des héros. L’économie plonge rapidement dans une situation déplorable (l’immense richesse pétrolière du pays étant aspirée dans les comptes bancaires étrangers des dirigeants religieux) ? La corruption est endémique et l’usage des drogues atteint des niveaux épidémiques ? Les plus pauvres, que le régime avait promis d’aider, se retrouvent encore plus pauvres qu’avant ? Qu’importe ! tout cela peut être balayé si l’on trouve l’ennemi idoine qui détournera l’attention des gens des réalités de leurs propres vies et qui permettra au dictateur de leur faire croire qu’un grave danger les menace.
Depuis la Révolution iranienne de 1979, le gouvernement islamique d’Iran a tenté de décrire les baha'is comme « l’ennemi de l’intérieur ». Le gouvernement prétend que les baha'is sont une des principales forces du mal du pays. Les bahá’ís complotent avec des ennemis extérieurs comme les États-Unis et Israël pour saper le pays. Les baha'is font des choses (généralement non précisées) qui perturbent le pays. Les baha’is essaient de détruire l’islam. Plus le pays plonge dans le désastre économique et plus le gouvernement a besoin d’accentuer la gravité de la menace posée par les baha’is qui expliquerait leur échec économique.
Une parodie de procès
L’une des armes principales d’un régime autoritaire c’est le procès truqué. Staline s’en est servi dans les années trente pour consolider son pouvoir. C’est une manière de montrer que le gouvernement agit et prend des initiatives pour protéger la nation des forces du mal. Avec le juge et l’avocat général déjà contrôlés par le gouvernement, les avocats de la défense rendus impuissants par leur ignorance des accusations et des preuves à charge et à décharge, le résultat est prévisible. Le gouvernement peut alors annoncer à grand renfort de fanfares que le procès s’est déroulé selon la loi du pays et que les accusés ont été déclarés coupables de ce que le gouvernement les accusait, validant ainsi les graves menaces contre la nation annoncées par ce gouvernement.
C’est à une telle parodie de justice que nous allons bientôt assister en Iran. Les sept membres du Conseil directeur des baha’is d’Iran sont emprisonnés depuis plus de neuf mois et on vient juste d’annoncer que leur procès commencera la semaine prochaine. (voir http://www.iranpresswatch.org/2009/02/featuretrial-of-seven-bahai-leaders/). Les accusations sont : espionnage au profit d’Israël, blasphèmes et propagande contre la République islamique. Depuis qu’Ahmadinejad est au pouvoir (2005) il a obstinément poursuivi une campagne systématique anti-baha’ie, avec l’accord de Khameini évidemment puisque rien ne peut se faire sans cet accord.
Cette campagne a consisté, premièrement en une série d’articles dans la presse gouvernementale et à la télévision attaquant les baha’is par de fausses accusations et des documents falsifiés, suggérant de ridicules théories de complots et des « faits » historiques improbables, deuxièmement en un étranglement économique de la communauté baha’ie, expulsant ses membres de leur emploi, fermant leurs commerces, cherchant à les couper de toute vie éducative et culturelle de la nation (en les renvoyant des universités par exemple) et troisièmement en perturbant leur vie quotidienne par des détentions arbitraires et par l’emprisonnement des dirigeants baha’is.
Depuis des années la presse gouvernementale et les médias de l’État répètent à l’envie ces accusations d’espionnage pour Israël, de blasphèmes et de propagande anti-République islamique. Neuf mois n'étaient donc pas nécessaires pour élaborer des preuves et juger ces sept baha’is maintenant. Il est clair que la date du procès est déterminée par d’autres facteurs : des élections prochaines au cours desquelles Ahmadinejab devra défendre ses résultats économiques catastrophiques ; l’attention de la communauté mondiale distraite par la situation financière et d’autres problèmes ; le fait peut-être aussi qu’on dit que Maître Shirin Ebadi, la seule personne qui fut assez courageuse pour se proposer comme avocate pour défendre des baha’is, devrait être à l’étranger. Tous ces facteurs font que le moment paraît bien choisi pour monter un procès parodique.
Les accusations contre les baha'is
En étudiant les accusations on découvre vite qu’elles sont absurdes et portées précisément pour nourrir les préjugés et les peurs de la population iranienne. Elles font le lien entre les baha'is, l'ennemi intérieur, et Israël considéré par le régime comme l'un des deux plus grands ennemis extérieurs. Elles font des bahá'ís les ennemis des Saintes Figures de l'islam chiite alors que le deuil annuel pour la mort de l'Imam Huseïn vient juste de passer. (voir http://www.iranpresswatch.org/2009/01/recalling-imam-husayn-and-his-martyrdom/). Elles donnent des baha'is une image de fauteurs de trouble et de perturbateurs.
L'accusation d'espionner pour Israël est sans doute la plus ridicule de toutes. Les baha'is, sur ordre du gouvernement, sont exclus des postes de fonctionnaires, ils ont été renvoyés de la plupart des entreprises privées, ils n'ont accès à aucun secret militaire ou politique ; quelle information pourraient-ils bien avoir qui intéresserait Israël ? Quel danger ces sept personnes peuvent-elles faire courir à l'État iranien quand, avant d'être expulsées de leur profession par le régime elles étaient : psychologue, entrepreneurs, ingénieur agricole, enseignante, travailleur social et ophtalmologiste ? D'ailleurs, comment des gens qui sont étroitement surveillés par les services secrets iraniens depuis trente ans pourraient-ils communiquer avec Israël ?
L’accusation évoquera sans doute le fait que le Centre mondial baha’i se situe dans la région de Haïfa-Acre, en Israël. Ceci découle cependant d’une évolution historique qui remonte à quatre-vingts ans, antérieure à l’établissement de l’État d’Israël. La responsabilité en incombe justement aux deux plus grands dirigeants musulmans du monde de l’époque, le sultan ottoman et le chah de Perse qui étaient les instigateurs de l’exil du fondateur de la Foi baha’ie à Acre, située alors dans la province de Syrie, partie intégrante de l’empire ottoman, ce qui a conduit à l’établissement du Centre mondial baha’i dans cette région. Si quelqu’un doit être tenu responsable de la présence des baha’is en Israël, c’est bien le gouvernement persan de l’époque. Si le gouvernement iranien était cohérent dans ses accusations, ne devrait-il pas aussi accuser les autorités islamiques responsables du Dôme du Rocher et de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem d’être des agents israéliens, simplement en raison de la présence de ce site, le troisième lieu le plus sacré du monde musulman, dans ce pays ?
L’accusation de blasphème à l’encontre des Saintes Figures de l’Islam est également une charge ridicule. Dès le début de son histoire, la Foi baha’ie, et avant elle, la Foi babie, ont fait preuve du plus grand respect envers les Saintes Figures de l’Islam. Voila comment Baha’u’llah, fondateur de la Foi baha’ie qualifie le Prophète Muhammad :
« Que la louange et la paix soient sur lui dont la venue a fait rayonner le visage de Bathá et dont le vêtement a répandu la fragrance de ses douces saveurs sur l'humanité tout entière - lui qui est venu pour protéger les hommes de ce qui leur nuirait dans le monde d'ici-bas. Exalté, immensément exalté est son rang au-delà de la glorification de tous les êtres et sanctifié de la louange de la création tout entière. Par sa venue, le tabernacle de la stabilité et de l'ordre fut dressé à travers le monde et l'étendard de la connaissance fut hissé parmi les nations. Que les bénédictions reposent sur sa famille et sur ses compagnons, grâce à qui l'étendard de l'unité et de l'unicité de Dieu fut brandi et les bannières du triomphe céleste furent déployées. Grâce à eux, la religion de Dieu fut fermement établie parmi ses créatures et son nom fut magnifié parmi ses serviteurs. » (Tablettes de Baha’u’llah, p. 171)
En outre, Baha’u’llah se lamente des souffrances de Muhammad en ces termes :
« L'animosité dont il était l'objet crût à un tel point que tous cessèrent d'avoir des relations avec lui et ses compagnons ; car chaque fois qu'il allait visiter un disciple, sa venue était pour ce dernier une cause de persécutions. Je te citerai ici ce verset, qui, si tu en saisissais le sens, te ferait gémir tout le reste de ta vie sur ses persécutions ; il a été révélé à Muhammad au milieu des pires tristesses et des pires tourments, lorsque tout le monde était contre lui. Gabriel, […] lui dit : « L'éloignement des infidèles pour la vérité te pèse ; certes, si tu le pouvais, tu désirerais pratiquer un trou dans la terre, ou tu prendrais une échelle pour monter au ciel ! » (Qur’án 6: 35) Autrement dit, il n'y avait pas moyen pour Muhammad, à moins de se cacher sous terre ou de s'envoler au ciel, d'échapper aux tourments causés par les infidèles ! » (Baha’u’llah, Le Livre de la Certitude, p. 109-110)
Le fils de Baha’u’llah, son successeur, Abdu’l-Baha, a souvent défendu l’islam et vanté les mérites du prophète Muhammad lors de ses voyages en Europe et en Amérique du Nord. À Londres, par exemple, Abdu’l-Baha écrivit ces mots dans un journal chrétien, « The Christian Commonwealth » : « Il en était ainsi avec les nations arabes qui, incultes, furent persécutées par les gouvernements grec et persan. Quand la Lumière de Muhammad jaillit, toute l’Arabie fut inondée de lumière. Ces peuples opprimés et dégradés devinrent si éclairés et si cultivés que les autres nations s'imprégnèrent de la civilisation arabe émanant d’Arabie. Ceci est la preuve de la mission divine de Muhammad. (29 septembre 1911)
Et aujourd’hui, à travers le monde, des millions de chrétiens, juifs, hindous et bouddhistes en sont venus à reconnaître Muhammad en tant que véritable messager divin en raison de leur acceptation de la religion baha’ie. Peut-on accuser ceux qui acceptent l’autorité de tels enseignements, et qui n’ont jamais manifesté de leur vie la moindre contradiction avec ceux-ci, de blasphème contre les Saintes Figures de l’Islam ?
La troisième accusation, celle de propagande contre la République Islamique est à nouveau totalement invraisemblable concernant ces sept personnes en particulier et les baha’is en général. Le but principal de Baha’u’llah est d’apporter l’unité au monde et il a fortement encouragé ses croyants d’éviter tout conflit ou discorde et d’être loyaux au gouvernement en place. Il écrit :
« Dis : Ô peuple, ne semez point les germes de la discorde parmi les hommes et abstenez-vous de toute querelle avec votre voisin, car le Seigneur a remis le monde et ses cités aux soins des rois de la terre et il a fait d'eux des emblèmes de sa propre puissance, en vertu de la souveraineté qu'il lui a plu de leur conférer. Il a refusé de garder pour lui-même aucune part de cette domination du monde. (Baha’u’llah, Florilège d’écrits p. 139) »
Les recommandations aux baha’is sont claires. De la part de Shoghi Effendi, la troisième figure historique de la Foi baha’ie, on lit :
« L’attitude des baha’is doit être à la fois une obéissance complète au gouvernement du pays où ils résident et aucune ingérence que ce soit dans les questions ou affaires politiques. » (Lights of guidance, p. 449)
L’historique est donc limpide : Depuis que Baha’u’llah a annoncé sa mission pour la première fois dans les années 1860, à aucun moment les baha’is n’ont comploté ou fait campagne contre l’ordre public, ni conspiré pour renverser un quelconque gouvernement. Rien n’indique que ces sept accusés aient jamais dévié de ces principes.
Ainsi, les accusations qui sont dirigées contre eux ne sont que des amalgames qui constituent la rhétorique habituelle du gouvernement iranien contre les baha’is. Le gouvernement espère qu’en répétant constamment cette litanie d’accusations, elles seront admises en tant que vérités. La parodie de procès n’est qu’une arme de plus dans la panoplie des régimes totalitaires. Ils peuvent utiliser cette occasion pour répéter et réaffirmer les mensonges déjà propagés auparavant, dans l’espoir qu’ils deviendront des faits établis dans la pensée du peuple. En ayant un contrôle complet des médias ils peuvent publier à souhait n’importe quel mensonge et théorie de conspiration au sujet des baha’is qui n’ont, eux, aucun moyen pour répondre.
Il est à espérer (et des signes encourageants commencent à apparaître) que le peuple iranien saura, en temps voulu, voir à travers le barrage de mensonges et de faits travestis qui leur est constamment présenté concernant la foi baha’ie.
Traduction Fahran Yazdani, Pierre Spierckel
15 février 2009
15 février 2009
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lundi 9 février 2009
Tablette des Splendeurs, 8 (extrait)…
En vérité, il est apparu celui à qui rien n’échappe. Il est venu celui qui fait rayonner de joie le visage de la connaissance divine. Par lui, le royaume de la parole est embelli, les esprits réceptifs se tournent vers le Seigneur des révélations, ceux qui étaient à genoux se lèvent et les indolents se précipitent pour atteindre le Sinaï de la certitude. Dieu voulut que ce jour soit une bénédiction pour les vertueux, un châtiment pour les méchants, un bienfait pour les fidèles, un déchaînement de son courroux pour les infidèles et les rebelles. En vérité, il est rendu manifeste, investi par Dieu d’une souveraineté invincible. Il révèle ce qui ne peut être comparé à rien sur la terre ni dans les cieux.
lundi 2 février 2009
Baha'u'llah, Tablette des Splendeurs, § 16
Le Très-Miséricordieux est venu, puissant et souverain. Sa puissance ébranle le fondement des religions et suscite le chant mélodieux du Rossignol de la parole, perché sur la plus haute branche de la vraie compréhension. En vérité, il est venu celui qui, caché dans la connaissance de Dieu, est mentionné dans les saintes Écritures. Dis : Voici le jour où celui qui parla sur le Sinaï est monté sur le trône de la révélation et où les hommes se trouvent en présence du Seigneur des mondes. Voici le jour où la terre proclame ses nouvelles et dévoile ses trésors, où les océans offrent leurs perles et l’Arbre divin ses fruits, où le Soleil rayonne et les Lunes diffusent leur lumière, où les cieux révèlent leurs Etoiles, où l’Heure révèle ses signes et la Résurrection sa redoutable majesté, où les plumes s’épanchent de nouveau et où les esprits dévoilent leurs mystères. Heureux l’homme qui le reconnaît et parvient à sa présence, et malheur à ceux qui le renient et s’en détournent. J’implore Dieu d’aider ses serviteurs à revenir à lui. En vérité, il est Celui qui pardonne, l’Indulgent, le Miséricordieux.
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